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Compétence interculturelle aujourd’hui

• Où en sommes-nous avec l'enseignement/ apprentissage de la compétence interculturelle?

1. Dans les dernières décennies, et surtout au cours des dernières années, l'image de l'Europe s'est profondément transformée. Beaucoup de frontières ont disparu, rendant possible de nombreux voyages, migrations, échanges qui ont entraîné un énorme mélange des cultures et des langues. Cependant, il s'est avéré que la réalité multiculturelle et plurilingue européenne peut devenir une source d'incompréhension et de conflits. Les sociétés sont agitées par de nombreuses tensions, l'intolérance à l'égard de ceux qui sont différents augmente. Il semble parfois que, malgré les efforts, il y ait plus de régressions que de progrès dans ce domaine, plus de nouveaux facteurs de division que de liens et d'unité. Comment donc vivre «l'union européenne», comment s'identifier à l'Europe, comment parler d'une «identité culturelle européenne»?

1.1 Barrières psychologiques et sociologiques

Paradoxalement, en ce début de XXIe siècle, à l'époque où il ne reste plus beaucoup de frontières en Europe, les gens se replient sur eux-mêmes, se referment dans leurs petits «chez eux». L'escalation du terrorisme dans le monde, l'intégration difficile, voire souvent impossible des immigrés dans les riches sociétés européennes, le chômage et les difficultés économiques jouent certainement un rôle dans cette tendance.

Il y a cependant plus que cela. Les frontières réelles sont remplacées par des barrières psychologiques et sociologiques. Le patriotisme se voit souvent remplacé par un nationalisme plus ou moins agressif. On se pose des questions: où allons-nous? Est-il possible et souhaitable d'effacer toutes les différences, d'oublier toutes les traditions nationales, l'histoire, les coutumes qui témoignent de l'identité de chaque pays, de chaque individu? Jusqu'où doit aller l'unification? Là où il n'y a pas de frontières, où le mélange des cultures est très avancé, il s'avère que l'homme commence à avoir peur de perdre sa propre identité culturelle. Il a de plus en plus peur des Autres. Parfois, il essaie même d'oublier que les Autres existent pourvu qu'ils ne pénètrent pas trop dans son «monde» à lui. Il a peur de s'ouvrir aux Autres parce qu'il a peur de s'effacer, de perdre sa place, sa position, de s'unifier trop avec les Autres au point de perdre sa propre identité. L'AUTRE redevient l'ETRANGER, donc ETRANGE, BIZARRE, l'INCONNU qui fait peur.

En même temps, l'homme a l'impression de se connaître de moins en moins lui-même. On lui sert une telle multitude de possibilités variées dans un plat qu'il finit par s'y perdre. Il a du mal à choisir, à reconnaître ce qui est bon pour lui. Cette volonté de s'ouvrir aux Autres, de les connaître manque et, parallèlement, l'homme a de plus en plus de mal à se connaître lui-même, à reconnaître sa propre identité culturelle.

1.2 L'effet de miroir

Jean-Paul Sartre montre dans sa pièce «Huis clos» que l'homme ne se connaît lui-même que grâce à l'existence des Autres. Il nous faut un Autre pour pouvoir nous regarder dans ses yeux comme dans un miroir. C'est le fameux effet de miroir: sans l'existence des Autres, nous ne pourrions pas prendre conscience de notre propre identité, de notre propre culture, nous ne saurions pas qui nous sommes. C'est justement ce processus en miroir qui donne lieu à l'espace interculturel. Car la tolérance ou plutôt l'acceptation d'autres cultures passe par la prise de conscience de notre propre identité culturelle.

1.3 La tolérance ou l'acceptation

La différence entre «tolérance» et «acceptation» est énorme. «Je tolère» veut dire: je me considère meilleur, mais je tolère, à la rigueur, l'existence de l'Autrui en prenant garde à ce qu'il ne me dérange pas trop dans ma propre vie et dans mes propres habitudes, à ce qu'il n'intervienne pas dans mon système de valeurs. Tolérer signifie: remarquer à peine que l'Autre existe et vouloir en avoir le moins possible à faire. «Je tolère» ne veut pas dire: je connais, je comprends et j'accepte.

Pour accepter, il faut se placer au même niveau de façon à pouvoir se connaître mutuellement, se reconnaître les mêmes droits, se comprendre au-delà des différences. Accepter ne veut pas dire: comparer et juger qui pense/fait/(ré)agit mieux. On accepte quand on dit: il ne pense/fait/s'exprime/(ré)agit pas comme moi, il est différent, mais lui aussi, il a les mêmes droits que moi. Il a le droit d'être différent.

1.4 La conscience interculturelle

Il n'est pas possible d'accepter sans avoir une forte volonté de se connaître mutuellement, de se comprendre sans pour autant vouloir effacer à tout prix les différences qui existent entre nous. C'est à ce moment que nous parlons de la conscience interculturelle, cette conscience que les autres existent, qu'ils sont différents et que nous devons accepter leur différence pour communiquer réellement avec eux et pour pouvoir vivre avec ou même à côté d'eux.

On peut beaucoup voyager, vivre et travailler dans un autre pays, mais sans la conscience interculturelle, sans cette volonté d'entrer en contact, d'échanger et de communiquer, nos contacts avec les autres cultures se limiteront aux visites des monuments et des musées, aux séjours dans des hôtels et aux changements de devises là où il n'y a pas encore de monnaie unique.

Il y a de nombreux exemples d'immigrés qui, ayant vécu pendant vingt ans ou plus dans un pays étranger, n'ont pas appris sa langue et ne se sont pas integrés à la communauté locale. Ils continuent à n'être en contact qu'avec leurs compatriotes en gardant soigneusement leur langue, leurs traditions et coutumes. La raison en est simple: ils ne voulaient pas quitter leur pays, ils y ont été forcés par la situation économique ou politique.

Il n'y aura jamais de cohésion en Europe sans une forte motivation et volonté de communiquer avec les autres, sans cette conscience interculturelle qui nous pousse à accepter (et pas seulement à tolérer) les autres et nous implique dans l'acquisition de la compétence interculturelle.

La conscience interculturelle nous ouvre donc l'acquisition des compétences interculturelles qui, complétées de compétences langagières, rendent la communication possible.

1.5 La nécessité de l'éducation interculturelle

De nos jours, dans cette Europe multiculturelle et plurilingue, l'acquisition des compétences interculturelles devient de plus en plus indispensable pour vivre, travailler et communiquer avec les autres. C'est un processus qui rend possible la coexistence harmonieuse des représentants de différentes cultures et langues et favorise la cohésion sociale en Europe.

La formation à l'interculturalité se révèle ainsi un objectif principal de tout l'enseignement/apprentissage scolaire.

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