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Competence interculturelle aujourd’hui (2)

2. La langue fait partie intégrale de la culture. Les cours de langues privilégient donc l'enseignement/apprentissage des compétences interculturelles, car apprendre une langue étrangère signifie entrer en contact avec la culture du pays cible. Il en résulte l'immense rôle qu'un enseignant en langues peut et devrait y jouer à condition que lui-même s'ouvre à l'interculturalité, qu'il ne craigne pas de l'enseigner et de l'apprendre à ses élèves, car l'éducation interculturelle est un processus qui dure toute la vie et dans lequel les rôles sont souvent interchangeables: l'apprenant prend celui de l'enseignant et l'enseignant celui de l'apprenant.

Comment développer la compétence interculturelle? Faut-il passer par la compétence plurilingue et pluriculturelle pour y aboutir? Comment établir une relation entre sa culture d'origine et les cultures «étrangères»?

2.1 La compétence communicative

La compétence communicative constitue le premier objectif de l'apprentissage d'une langue étrangère. Nombreux sont néanmoins ceux qui la limitent à la seule compétence linguistique. La compétence linguistique est parfois suffisante pour passer une simple information, elle ne l'est pas pour communiquer. Communiquer ne veut pas seulement dire comprendre et savoir utiliser les structures lexicales et grammaticales. Pour communiquer, il est également indispensable de comprendre les attitudes, les systèmes de valeurs, les comportements, les points de vue, tout le contexte culturel de son interlocuteur. Il faut être capable de déchiffrer correctement son message et de savoir se positionner par rapport à lui en se référant à son propre contexte culturel. Pour communiquer, il faut se comprendre mutuellement, échanger et interagir non seulement au niveau linguistique. Le succès de la communication interculturelle ne dépend pas uniquement du niveau d'acquisition des compétences linguistiques. Sans compétences interculturelles, la communication la plus simple s'avère parfois impossible.

2.2 Apprendre à communiquer en une ou plusieurs langues

Le caractère multilingue de la société européenne rend de plus en plus indispensable l'acquisition de compétences dans plus d'une langue étrangère.
Dans le chapitre «Diversification linguistique et curriculum», le Cadre européen commun de référence définit la compétence plurilingue et pluriculturelle comme une «compétence à communiquer langagièrement et à interagir culturellement d'un acteur social qui possède, à des degrés divers, la maîtrise de plusieurs langues et l'expérience de plusieurs cultures» (Cadre européen commun de référence, ch. 8, p. 129).

La bonne connaissance d'une seule langue et culture conduit souvent à l'établissement de la relation ethnocentrique entre la langue et culture étrangère et la langue et culture maternelle. On compare, on juge, on critique... L'acquisition des compétences, même restreintes, en deux, trois ou plusieurs langues étrangères permet d'entrer en contact avec deux, trois ou plusieurs cultures et de dépasser ainsi plus facilement cette relation ethnocentrique. C'est là qu'il est possible de créer un espace interculturel dans lequel l'apprenant sera capable d'observer sans préjugés, de relativiser son point de vue afin de comprendre et d'engager le vrai dialogue.

Les élèves d'aujourd'hui ne peuvent pas prévoir dans quel pays ils vivront, ils travailleront, à quelles langues et cultures ils seront confrontés. Leur apprendre une seule langue et culture serait les fermer à l'interculturalité, fausser le regard qu'ils portent sur le monde qui les entoure, parce que ce monde-là est multiculturel et plurilingue.

Le vrai interculturel, c'est donc un espace entre plusieurs langues et cultures. Grâce à l'acquisition de la compétence interculturelle, l'apprenant devient plus ouvert aux contacts avec les autres, mieux disposé à apprendre d'autres langues étrangères et à développer une personnalité plus riche. Il sera ainsi mieux préparé à vivre et à travailler dans la réalité plurilingue et multiculturelle de la société européenne contemporaine.

2.3 Les savoirs ou les savoir-faire et les savoir-être interculturels

Beaucoup d'enseignants en langues craignent d'enseigner la compétence interculturelle, car ils ne se sentent pas suffisamment compétents eux-mêmes. D'autres pensent que pour l'apprendre, il faut que les apprenants aient déjà acquis un niveau de langue assez élevé. Rien de plus faux dans les deux cas.
Eduquer à l'interculturalité ne veut pas dire doter les apprenants d'une multitude d'informations, de données sur la culture d'un pays étranger.

La compétence interculturelle contient un certain nombre de «savoirs», mais c'est surtout les savoir-faire et les savoir-être qui décident de la capacité d'entrer en relation avec les autres, de communiquer avec eux, d'interagir. L'apprenant n'a pas besoin d'un niveau de langue très élevé pour apprendre les savoirs-faire et les savoirs-être les plus élémentaires. On n'apprend pas l'interculturel, on le vit en interaction avec des représentants d'autres langues et cultures. L'enseignant n'est donc pas obligé d'avoir toutes sortes de connaissances et savoirs respectifs à la culture du pays dont il enseigne la langue. Il doit plutôt posséder lui-même la conscience interculturelle qui lui permettra d'encourager ses élèves à prendre conscience de la diversité, les y ouvrir, leur apprendre à relativiser leur point de vue et à situer un fait dans son contexte culturel en se référant toujours à leur propre culture.

Les compétences interculturelles – on les apprend toute la vie, nul enseignant ne cesse jamais d'être apprenant lui-même. Par contre, tout apprenant peut devenir à chaque moment de l'apprentissage enseignant pour les autres.

2.4 Changement de perspective

Voilà donc un grand changement de perspective. Ce n'est plus uniquement l'apprentissage d'une langue que nous visons en cours de langues, c'est surtout l'acquisition de la conscience et des compétences interculturelles qui doit être notre objectif. L'enseignement/apprentissage d'une langue étrangère n'est qu'un moyen pour y aboutir. De cette perspective, on comprend mieux la nécessité de corrélations avec d'autres langues que l'élève apprend et avec d'autres disciplines et matières enseignées à l'école.

L'école doit préparer les apprenants à être citoyens de l'Europe, mais être citoyen européen ne veut pas dire être de nulle part. La citoyenneté interculturelle n'exclut pas le patriotisme. Bien au contraire. On pourrait risquer la constatation que dans l'euphorie d'unir, d'unifier tout, on a oublié que l'homme a besoin de connaître ses propres racines et de s'identifier à une nation. Coupé de ses racines, l'homme perd ses points de repère, il n'a donc plus le sentiment de sécurité, il commence à avoir peur des Autres. Il ne peut pas les comprendre parce qu'il ne se comprend plus lui-même, il ne peut pas savoir qui ils sont parce qu'il ne sait plus qui il est lui-même. Il ne peut pas les accepter parce qu'il ne s'accepte pas lui-même. Il ne s'agit donc pas d'effacer toutes les différences, d'oublier les traditions nationales, les coutumes. Il s'agit bien au contraire de rester très attaché à son propre patrimoine culturel, conscient de sa propre identité culturelle tout en s'ouvrant et en acceptant la richesse des Autres. Quand on nous dit de penser/faire/être/(ré)agir comme les Autres, nous avons tout de suite une réaction de révolte: pourquoi les Autres ne pourraient pas penser/faire/être/(ré)agir comme nous?!

La diversité constitue la richesse de l'Europe et du monde. Si nous n'acceptons pas la diversité, nous sommes à un pas de l'intolérance, du racisme et de la xénophobie.

2.5 Les grands principes de la pédagogie interculturelle

Pour sensibiliser l'apprenant à la différence et pour développer sa capacité à communiquer efficacement avec ceux qui sont différents, les méthodes et les supports utilisés doivent dépasser le niveau de la théorie, car nous savons que les savoirs ne garantissent pas le savoir-faire face à la différence. Il faut y ajouter une démarche pratique, une interaction avec des représentants authentiques des autres cultures et langues. L'enseignement/apprentissage des compétences interculturelles doit donc être basé sur l'accomplissement commun des tâches concrètes réalisées dans des situations vraies pendant lesquelles l'emploi de la langue est vrai et justifié.

Les deux premiers grands principes de la pédagogie interculturelle sont donc:

• l'interactivité avec des acteurs vrais;
• l'apprentissage par le biais des tâches.

L'apprenant doit plus que jamais être impliqué dans le processus d'apprentissage. Il doit être conscient des objectifs visés et capable de gérer une situation interculturelle nouvelle.

Les deux autres grands principes de la pédagogie interculturelle sont:

• la centration sur l'apprenant, son autonomie dans le processus d'apprentissage;
• le nouveau rôle de l'enseignant qui en résulte.

De cette perspective, il n'est pas étonnant qu'Internet soit devenu un support très utile pour enseigner/apprendre la compétence interculturelle.

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